Généralisé depuis le Covid, le télétravail serait-il en perte de vitesse ? Si les collaborateurs continuent à le privilégier, de nombreux dirigeants de par le monde souhaiteraient voir leurs employés reprendre le chemin des bureaux.
Le télétravail va-t-il devenir obsolète ? Si le Covid l’a imposé, il est désormais menacé dans bien des entreprises, y compris celles actives dans le secteur de la technologie.
Retour à la case départ
Amazon, Google, Meta, X, IBM ou encore Disney, voici quelques-uns des géants américains qui ont récemment demandé à leurs collaborateurs de revenir dans les bureaux. Même l’entreprise Zoom, qui a pourtant facilité le travail à distance durant la pandémie, a sommé ses employés vivant à maximum 80 km de ses locaux de revenir travailler en présentiel au moins 2 jours par semaine.
Ce retour en arrière a du quoi surprendre. La majorité de ces entreprises n’ont certes pas (encore) supprimé le home office puisqu’elles autorisent leurs employés à travailler depuis chez eux en général un, deux, voire trois jours par semaine. Cependant, le travail dans les bureaux est privilégié par un grand nombre de dirigeants : l’étude KPMG 2023 CEO Outlook report indique que 64% des PDG britanniques et japonais souhaiteraient abolir purement et simplement le télétravail d’ici quelques années !
Et pour convaincre les collaborateurs de passer un maximum de temps dans les locaux, tous les moyens sont bons. Certaines entreprises vont même jusqu’à leur offrir des récompenses : des primes, des repas, des cours de yoga, des points à utiliser pour obtenir divers rabais sur des prestations et même la possibilité de participer à des concours pour gagner de superbes lots !
Les raisons de la discorde
Mais pourquoi diable vouloir à tout prix éradiquer le home office? Certains dirigeants privilégient le travail dans les bureaux car il favoriserait la collaboration et l’inventivité notamment. La communication serait aussi plus facile lorsque tout le monde se trouve au même endroit. C’est l’avis du CEO de Nike, qui considère que si son entreprise n’a pas sorti de produits innovants et disruptifs ces derniers années, c’est parce que ses employés travaillaient depuis la maison.
Le fait que les salariés passent moins de temps ensemble aurait aussi raison de la cohésion d’équipe : il est en effet plus difficile de créer des liens lors de réunions Zoom ou d’échanges par mail. Cela est encore plus vrai pour les collaborateurs arrivés pendant la pandémie et qui n’ont, pour certains, peu ou pas rencontré leurs collègues.
De plus, certains managers associent toujours home office et paresse. Si un employé n’est pas physiquement présent dans les locaux de l’entreprise, il serait moins enclin à travailler. A domicile, il est plus facile d’adapter ses horaires et les supérieurs craignent parfois que les collaborateurs ne réduisent leurs heures de travail. Tandis qu’au bureau, il serait plus facile de s’assurer que le salarié est bien en train d’œuvrer à la tâche.
Les collaborateurs disent oui au home office
Et les employés dans tout ça ? En majorité, ils sont plus que favorables au télétravail. En Suisse, les talents privilégient 2 ou 3 jours de home office par semaine, comme le montre notre sondage. Mais pour certains, le must, c’est le 100% remote.
Après avoir goûté à la liberté offerte par le télétravail, le retour forcé dans les bureaux passe mal auprès de bon nombre de salariés. Aux USA, où certaines grosses entreprises demandent à leurs collaborateurs de revenir au bureau, cette décision est souvent mal acceptée par les principaux intéressés. Beaucoup ressentent de la pression de la part de leur patron et considèrent ce revirement comme un manque de confiance. A tel point que certains sont prêts à toutes les ruses pour éviter de revenir au bureau. La pratique du « coffee badging » se répand ainsi parmi les réfractaires : il s’agit de venir dans les locaux, de bagder, mais juste pour aller boire un café, se faire voir du patron et des collègues, puis de repartir travailler chez soi, ni vu ni connu. Cinquante huit pour cent des Américains qui alternent home office et présentiel seraient prêt à le faire !
Le télétravail, argument pour embaucher
Depuis le Covid, le home office est entré dans les mœurs. Travailler quelques jours par semaine depuis chez soi ou depuis tout autre lieu que les locaux de son entreprise séduit les générations plus jeunes, qui privilégient la flexibilité des horaires et un juste équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pour recruter ces talents, on ne s’étonne pas que le télétravail soit devenu un véritable argument, en particulier dans ce contexte de pénurie de main-d’œuvre. On peut donc s’étonner du rétropédalage en la matière effectué par certaines entreprises. En limitant ou en supprimant le home office, ne se privent-elle pas de candidats talentueux ?
Comme on l’a vu, certaines entreprises craignent que, livrés à eux-mêmes, leurs collaborateurs soient moins acharnés à la tâche et moins efficaces. Or des études ont mis en lumière que c’est exactement l’inverse qui se produit : le télétravail rendrait plus productif. Et les entreprises qui le pratiquent auraient aussi une croissance plus importante, comme le montre une étude de la société Scoop qui a analysé les résultats de plus de 500 compagnies cotées en bourse. Celles qui laissent à leurs salariés le choix du lieu de travail (entreprise ou home office) ont enregistré une croissance de plus de 20% entre 2020 et 2022, contre seulement 5% pour celles qui ont imposé le retour dans les locaux.
D’ailleurs, certains patrons ayant rappelés leurs collaborateurs au bureau ont finalement regretté leur décision, comme le montre une étude réalisée par la société Envoy. En effet, le télétravail étant toujours recherché par les professionnels, les entreprises qui ont pris cette décision font face à davantage de turnover et peinent à faire augmenter leurs effectifs.
Comment satisfaire tout le monde ?
Mais alors comment concilier les attentes a priori inconciliables des patrons et des collaborateurs ? Opter pour le télétravail à temps partiel est une technique éprouvée. En effet, en Suisse, les entreprises choisissent généralement ce modèle qui semble satisfaire les collaborateurs. Le full remote n’a pas vraiment la cote, mais environ 52% des entreprises proposent 2 à 3 jours de télétravail. Cependant, dans notre pays, la présence au bureau demeure plus élevée que dans le reste de l’Europe (61,4% en Suisse, contre 43,7% sur le reste du continent).
Pour faire plaisir aux uns et aux autres, il peut aussi être intéressant de repenser le lieu de travail pour qu’il réponde aux nouvelles attentes des collaborateurs. En France, ce qui motive les salariés à revenir dans les bureaux, c’est de pouvoir partager des moments conviviaux avec leurs collègues. Ils apprécient donc d’avoir des espaces adaptés. Ainsi, les entreprises ont tout intérêt à installer des lieux ouverts ou de type « lounge » qui permettent aux employés de se retrouver pour des moments de détente ou pour travailler en collaboration. Mais, paradoxalement, les salariés aiment aussi les espaces individuels pour avoir du calme et de l’intimité quand cela est nécessaire. D’où l’importance de mettre en place différents types d’aménagements intérieurs pour rendre agréable le retour au bureau.
Le télétravail est désormais entré dans les mœurs et celles et ceux qui l’ont adopté n’imaginent guère faire marche arrière. Si certaines entreprises restent frileuses sur le sujet, elles ont pourtant tout à gagner à offrir cette liberté à leurs collaborateurs. Et dans le contexte de pénurie que nous traversons, le home office reste un atout important pour recruter et conserver ses talents. Cependant, il y a tout de même des avantages à venir au bureau régulièrement. En effet, les employés qui travaillent à distance ont 31% moins de chances d’obtenir une promotion que ceux qui sont présents au bureau… Loin des yeux, loin du cœur !