L’entretien de recrutement est un des rares moments où les victimes du syndrome de l’imposteur sortent de l’ombre. Exercice périlleux, auquel tout un chacun se livre la plupart du temps sans formation, sans filet, sans conseils. Ce fameux syndrome ne touche d’ailleurs pas que les femmes, comme on l’entend fréquemment. Il touche femmes et hommes, jeunes et vieux, audacieux et timides. Nous en avons tous entendu parler, nous en sommes parfois victimes, sans le savoir. Car cela demande un peu de sagesse et surtout de feed-back pour s’en rendre compte et le contrer. Car oui, il est possible de le canaliser, spécialement en entretien, car nous parlons d’un exercice de style à durée déterminée !
Le syndrome de l’imposteur, un phénomène courant
Je l’ai moi-même vécu plusieurs fois, alors étudiante et cherchant un stage. Me voilà en entretien, en posture humble et discrète, voulant rentrer dans un moule, stressée à l’idée de jouer ma vie en 45 minutes. Avec du recul, j’ai analysé cet exercice, suis devenue une professionnelle du recrutement et regrette encore et toujours que les jeunes n’aient pas plus l’occasion de s’y former. Maintenant, je fais de mon mieux pour aider mes candidats en entretien à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Car le recruteur, ou « chasseur de tête », impressionne. Une table nous sépare, il prend des notes, il se permet de poser des questions, il juge, et prend une décision. Parfois, il est impassible, souvent ses mimiques sont difficiles à interpréter, de temps en temps il a la tête ailleurs. Bref, un être humain dans l’exercice de ses fonctions. Mais il impressionne car il est le premier filtre qui ouvrira ou non la porte du poste à pourvoir.
Mais quand Alfonse arrive en entretien, stressé, intimidé, il ne sait pas si ce poste est fait pour lui et il me le dit. Valérie, vous comprenez, je n’ai pas managé depuis longtemps, il me faudra une formation ! Ah non Alfonse, si tu me dis que tu n’es pas sûr de mériter le poste, j’ai envie de clôturer l’entretien de suite. Tu es venu, alors vas-y, vends-toi !
Il en va de même pour Anne qui me dit qu’elle a réussi son lancement de produit car le marché lui était favorable. Ou Paul qui me dit qu’il a explosé ses ventes et ne sait pas vraiment pourquoi, de la chance sûrement ! Alors non, rien n’arrive par hasard. Le tout est de savoir l’expliquer.
Alors comment faire ? Et bien, il vous faut par exemple préparer votre entretien méthodiquement :
1. Identifier les clés de succès
Votre interlocuteur attend de vous que vous parliez de vos expériences en expliquant rapidement le contexte, votre rôle mais surtout vos réussites à ce poste. Listez donc :
-Pour chaque poste, une série de réussites
-Pour chaque réussite, leurs clés de succès, fruit de votre décision/action
-Et pour chaque clé de succès, ce qui fait votre marque de fabrique
Exemple 1 : Je suis un Directeur Commercial
-Une réussite : j’ai développé le CA de 20 % en 2 ans
-Une clé de succès : j’ai mis en place une nouvelle approche client avec l’équipe R&D
-Ma marque de fabrique : je sollicite autant que possible les équipes de l’entreprise (production, marketing, finance) pour ensemble optimiser nos actions.
Ce que le chasseur retient : il a une réussite, le fruit de son action, il sait l’expliquer, il a une méthode, il saura reproduire, en plus c’est un team player.
2. Anticiper les compétences attendues
Votre interlocuteur recruteur a une liste de compétences qu’il a définies avec son client comme essentielles pour réussir la mission du poste. Il attend que vous en parliez spontanément. Sinon, il est prêt à vous poser des questions spécifiques pour les valider. Soyez prêt et cherchez à les identifier en amont de l’entretien. Elles sont inhérentes au poste ou tout simplement écrites dans le descriptif de fonction.
-Identifiez au moins trois compétences comportementales attendues pour le poste (exemples : leadership, esprit d’équipe, dimension entrepreneuriale, proactivité, diplomatie, relationnel, créativité etc.)
-Pour chaque compétence, cherchez un exemple qui permettra de l’illustrer (ne remontez pas trop loin dans le temps, entre 0 et 8 ans, pas plus loin)
-Décortiquez l’exemple en utilisant la méthode star (Situation, tâche, action, résultat)
-Ayez en tête un autre exemple pouvant être explicité, et proposez à votre interlocuteur de le détailler s’il est intéressé
Exemple 2 : Je suis un Chef de groupe marketing
-Une compétence attendue : on attend de moi que je sois proactif car le marché est mature
-Un exemple : j’ai lancé un nouveau produit qui a disrupté la catégorie
-J’explique et j’utilise la méthode Star : la proactivité doit ressortir dans la manière dont vous avez su sortir des sentiers battus, pris une initiative, êtes allé au bout du projet d’innovation. Pas forcément besoin d’être créatif dans ce cas, l’audace suffit au marketeur pour faire avancer certains projets.
-Ma marque de fabrique : je suis audacieux dans mes choix et tenace dans ma capacité à faire avancer les projets malgré tous les obstacles rencontrés.
Ce que le chasseur retient : il est proactif, cela est le résultat de son audace et de sa ténacité, il sait l’expliquer, il a une méthode, il saura le reproduire dans un nouvel environnement car ce n’est pas le fruit du hasard.
Pour chaque réussite, au moins deux clés de succès et donc des marques de fabrique !
Car en effet, le candidat qui sera victime du syndrome de l’imposteur aura du mal à valoriser ses réalisations s’il n’a pas préparé minutieusement son entretien de recrutement. Alors après cette préparation, qui est avant tout un exercice d’introspection et de bilan de ses expériences professionnelles, il sera même surpris de s’entendre raconter autant de réussites ! Alors au travail !